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Atelier Ecriture - Trois textes écrits pendant le confinement


Marcelle

A deux pas d’ici, la marchande de volailles m’apostrophe.

Qu’est ce qui lui ferait plaisir ?

Sur son étal, cuisses et blancs de poulet, saucisses, choux farcis, œufs de différentes grosseurs.

Ce n’est pas ça qui t’intéresse. Tu restes planté devant Marcelle, c’est son prénom, il est inscrit sur sa blouse. Tu t’interroges. Comment fait-elle pour être bronzée à cette époque de l’année ? Tu devrais lui demander. Tu t’avances courageusement et lui dis : mettez moi trois cuisses de poulet.

Bizarre, ce type. Il reste planté devant moi, sans rien dire. Et quand il avance pour me parler j’ai l’impression qu’il va me demander en mariage. Non, il me passe commande de cuisses de poulets.

Il m’envoie peut-être un message. Les cuisses ?

C’est un pervers, c’est ça.

Il m’a observée fixement pendant un long moment. J’étais mal à l’aise, je lui ai souri. Quelle erreur ! Je souris aux gens qui passent parce que je veux vendre. Et voilà que certains le prennent autrement.

Je lui sers ses cuisses. Autre chose, Monsieur ?

Quel sourire niais !

C’est ça, c’est un pervers.

Oui mais un pervers qui mange du poulet.

Qu’est ce qui est préférable, un pervers qui mange du poulet ou un homme sain végétarien ? Le commerce d’abord. Et je lui souris de nouveau.

Elle m’a souri !

Tu devrais en profiter pour lui poser la question.

Non, tu n’oses pas, un brin timide…

Tu tournes les talons et tu repars en te promettant de lui demander la prochaine fois.


Richard Milkof

 

"Les glycines"

Le parfum des glycines restera pour moi l'odeur du confinement.

Sortir. Une heure par jour. Par chance, je suis bloquée dans une banlieue souriante. Les rues de mon quartier mènent en quelques minutes à la Marne, que l'on ne peut contempler que de loin. Prémices du printemps : en mars, pas encore de feuilles sur les arbres qui longent la rivière, mais du vert quand même. Celui du lent écoulement argileux des eaux, celui des arbustes persistants et des herbes. Et la respiration du ciel qui par bouffées s'insinue dans l'horizon.

Liberté de l'air et de l'eau. Ampleur du monde.

Une végétation qui se débride gagne les rues adjacentes. Premiers iris d'un violet sans fond contre des murs clairs. Vite en avril et encore en mai, le parfum étourdissant des glycines qui chevauchent les portails, flottent sur les balcons et s'épanouissent en tonnelles.

Le long des trottoirs jonchés de grappes, une émotion inattendue me fait escorte. Le sillage du regain de la vie.


Marie-José Lorenzini

 

J’écris ton nom

Le droit à la paresse devrait être rajouté à la déclaration des droits de l’homme. Loin de l’idée d’un temps prétendument perdu, soyons unis dans nos revendications ! Défilons pour la sieste sous le cerisier, tous ensemble pour le café au soleil. Portons haut la banderole des yeux clos. Luttons pour faire reconnaître le temps du rien comme un temps fondateur. Ne rien faire et le faire bien. Une activité permanente.


Agnès Sayag

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